13e Conférence européenne des ministres responsables de l’aménagement du territoire (CEMAT) (Ljubljana, Slovénie, 16-17 septembre 2003) sur la mise en oeuvre des stratégies et perspectives pour le développement territorial durable du continent européen

 

Résolution no 1 sur les partenariats publics-privés concernant les politiques de développement territorial

adoptée lors de la 13e session de la Conférence européenne des ministres responsables de l’aménagement du territoire (CEMAT), à Ljubljana, le 17 septembre 2003

Les ministres responsables de l’aménagement du territoire des Etats membres du Conseil de l’Europe,

Rappelant que la 12e session de la Conférence européenne des ministres responsables de l’aménagement du territoire des Etats membres du Conseil de l’Europe (CEMAT), qui s’est tenue à Hanovre (Allemagne) les 7 et 8 septembre2000, a adopté les Principes directeurs pour un développement territorial durable sur le continent européen comme stratégie cohérente pour un développement intégré et régionalement équilibré du continent européen fondé sur la subsidiarité et la réciprocité;

Se référant en particulier à la partie III des principes directeurs, consacrée au rôle particulier du secteur privé dans l’aménagement du territoire;

Rappelant la décision du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe du 7 février 2001 (740/9.1 – CM(2001)6) de prendre en considération les Principes directeurs pour le développement territorial durable du continent européen lorsque l’on se prononce sur les projets liés à l’aménagement du territoire;

Se référant à la Recommandation Rec(2002)1 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe aux Etats membres sur les Principes directeurs pour le développement territorial durable du continent européen, adoptée le 30 janvier 2002;

Considérant le Schéma de développement de l’espace communautaire (SDEC) approuvé au Conseil informel des ministres responsables de l’aménagement du territoire au sein de l’Union européenne à Potsdam, en mai 1999;

Considérant qu’eu égard à l’insuffisante disponibilité en matière de finances publiques pour couvrir les besoins de la société, en particulier dans le domaine des infrastructures techniques et sociales ainsi que des services qui leurs sont associés, des investissements privés pour atteindre les objectifs en matière de développement territorial seront nécessaires au cours des années à venir;

Soutenant l’implication active du secteur privé dans la mise en œuvre des programmes de l’Union européenne tels qu’INTERREG en combinaison avec PHARE et TACIS, spécialement en tant que partenaire et partie prenante de contributions nationales, quoique les partenaires publics gardent le rôle pilote afin de promouvoir un développement territorial durable en Europe;

Prenant en compte que les partenariats publics-privés (PPP) se développent dans des secteurs qui, dans le passé, ne concernaient que des activités publiques, comme par exemple les infrastructures et services de transport, de télécommunication, d’adduction d’eau, de ramassage des déchets et de leur traitement, de santé et d’éducation;

Prenant en compte les règles sur les aides d’Etat, et leur effet (positif ou négatif) sur l’aide du secteur public disponible pour les partenaires du secteur privé;

Rappelant qu’à l’occasion de la Conférence de Hanovre un rapport sur les «Modèles pour le financement de projets régionaux d’infrastructures et de développement d’intérêt particulier pour les pays de l’Europe centrale et orientale – Partenariats publics-privés dans la politique d’aménagement du territoire»3 a été présenté afin d’élaborer, sur la base de l’expérience acquise dans le domaine des partenariats publics-privés, des propositions de procédures pour une mise en place réussie de tels projets, notamment dans les pays d’Europe centrale et orientale;

Prenant en considération le fait que le succès de la mise en place des projets de partenariats publics-privés (PPP) implique diverses conditions préalables telles qu’une structure administrative efficace et un secteur privé suffisamment développé et que cette question présente une grande importance dans les pays d’Europe centrale et orientale;

Recommande que les gouvernements des Etats membres prennent en considération les propositions suivantes pour une conception et une organisation efficaces des procédures en matière de PPP, avec une attention particulière donnée aux pays d’Europe centrale et orientale:

1. Mise en place d’un cadre juridique clair et efficace

Le sens et l’objectif d’une législation nationale relative aux PPP résident dans l’attribution de compétences nouvelles aux différents échelons administratifs, afin que se développent ces nouvelles formes de partenariat dans le secteur privé, allant au-delà de la passation de contrats de travail traditionnels.

La politique relative aux PPP peut prendre la forme soit d’une loi générale et multisectorielle (Omnibus Bill) soit celle d’une loi sectorielle (construction routière, urbanisme, réseaux municipaux, etc.). Des lois spécifiques pour des projets individuels devraient en règle générale être évitées. La politique relative aux PPP devrait en particulier créer une situation juridique claire à propos des conditions de propriété (par exemple, le statut de propriété, les termes du bail, etc.), du cadre fiscal et du règlement des conflits d’intérêts potentiels. Elle devrait également fixer un cadre opérationnel acceptable à la prise de responsabilité à risque, par le secteur public.

L’existence d’un cadre législatif clair est une condition préalable importante pour inciter le secteur privé à s’engager dans des PPP, car elle contribue à la réduction du risque politique. Cela est d’une importance particulière dans les pays d’Europe centrale et orientale, où le secteur privé se montre encore plutôt hésitant à s’impliquer dans les projets de PPP. La réglementation claire de l’implication du secteur public dans les programmes de financement internationaux et européens constitue ainsi un préalable essentiel.

Les nouveaux règlements relatifs aux Fonds structurels de l’Union européenne soulignent la nécessité de tirer le meilleur parti possible des opérations financées par le budget communautaire en favorisant autant que possible le recours à des sources privées de financement, notamment le capital investissement et les PPP, comme moyen à la fois d’accroître les ressources disponibles pour les investissements et de garantir que le secteur privé utilise ses compétences pour étudier la manière dont les programmes sont gérés.

Dans le domaine de la régénération urbaine, l’initiative communautaire URBAN encourage la création de PPP, notamment pour gérer les programmes de développement économique intégrés et pour promouvoir les activités «vertes».

La politique communautaire du contrôle des aides d’Etat, pour sa part, dispose de plusieurs instruments favorisant la politique de régénération rurale et urbaine; tel est le cas de l’encadrement communautaire des aides d’Etat pour la protection de l’environnement (JO C 37/3 du 3 février 2001). La communication sur les «Aides d’Etat et capital-investissement» (JO C 235 du 21 août 2001), le règlement (CE) no 70/2001 de la Commission du 12 janvier 2001 concernant l’application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d’Etat en faveur des petites et moyennes entreprises (JO L 10/33 du 13 janvier 2001) ainsi que les lignes directrices concernant les aides d’Etat a finalité régionale (JO C 74/9 du 10 mars 1998) doivent également être considérées à ce propos.

Les règles sur les aides d’Etat qui existent actuellement pourraient néanmoins, dans certains cas particuliers, représenter une barrière à l’aptitude de certains Etats membres à poursuivre leurs politiques de développement territorial, particulièrement lorsqu’il s’agit de chercher à impliquer le secteur privé. En se fondant sur l’expérience acquise, dans les cas de ce genre qui se présenteraient, il serait utile d’examiner s’il est nécessaire de prévoir un instrument spécifique supplémentaire régissant les aides d’Etat aux entreprises dans les quartiers urbains défavorisés et quelles devraient en être les caractéristiques essentielles.

2. Préparation attentive des projets de PPP

La phase de préparation des projets de PPP joue un rôle clé. Le succès d’un projet dépend le plus souvent d’une préparation attentive et approfondie. Lors de la préparation, les aspects suivants jouent un rôle significatif:

     a.  Adaptation de la structure de l’organisation du projet aux conditions locales

Il existe une grande diversité de modèles de PPP. Les PPP peuvent prendre diverses formes depuis la simple exploitation commerciale jusqu’à la privatisation complète. Une attention particulière devrait être apportée à l’adaptation spécifique du concept de PPP aux conditions territoriales et temporelles. De nombreux problèmes encourus par les PPP résident dans le fait que les partenaires ont copié des solutions élaborées pour d’autres PPP et de ce fait n’ont pas suffisamment pris en compte le contexte particulier.

     b.  Compatibilité des objectifs

Tout d’abord, il est nécessaire de clarifier les objectifs poursuivis par les partenaires respectifs publics et privés et de définir dans quelle mesure ces objectifs sont complémentaires et compatibles. Cela nécessite un débat détaillé sur les intentions du projet entre le secteur public et le secteur privé, par exemple entre les divers partenaires privés potentiels durant la phase d’appel d’offres. L’implication des partenaires privés à un stade précoce de la phase de préparation du projet contribue considérablement au succès de celui-ci.

     c.  Sélection des partenaires privés par le secteur public

La sélection des partenaires privés doit en général se dérouler dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres. Au-delà des aspects formels, des critères qualitatifs doivent également être pris en considération.

Ce qui est décisif pour le succès économique des PPP, ce sont les expériences que les partenaires privés apportent dans le modèle de coopération et la mesure dans laquelle ces points forts sont requis dans le domaine d’activité considéré. De ce fait, des possibilités doivent être trouvées pour amener les partenaires privés potentiels à révéler leurs qualités. Les mécanismes d’options volontaires peuvent y contribuer. Dans ce cas, différentes alternatives sont offertes au partenaire privé, pour lesquelles sa marge de profit est mise en relation avec le degré d’accomplissement des objectifs et des critères. Sur cette base peut être mesuré le niveau de son engagement potentiel et de sa productivité.

En outre, le secteur public doit être informé des éventuels comportements à risque lorsqu’il envisage de coopérer avec un partenaire privé. Des critères et des conditions appropriés devraient être ainsi spécifiés dans la détermination des conditions d’appel d’offres. Dans cette perspective, le secteur public devrait prêter attention aux problèmes susceptibles de résulter d’une information unilatérale insuffisante.

     d.  Contrôle démocratique et acceptation par la population

L’introduction de PPP requiert un débat politique afin que les acteurs politiques et le public acceptent ces méthodes, en particulier lorsque des contributions sont prélevées auprès des utilisateurs de services. Du point de vue de la politique publique, le facteur de succès le plus important des modèles de PPP est leur aspect économique, reflété en premier lieu dans le niveau des contributions des utilisateurs en relation avec la qualité des services. En outre, les modèles de PPP doivent pouvoir montrer de manière plausible dans quels domaines (par exemple économique, technique ou environnemental) ils contribuent à accroître l’efficacité et à améliorer la qualité dans l’accomplissement des tâches.

L’exploitation possible des tiers et les problèmes du manque de contrôle démocratique devraient être évités par le biais d’une organisation adaptée des «unités de consommation collective». A cette fin, des mécanismes de concertation devraient être construits de manière à assurer une grande proximité par rapport aux consommateurs et aux citoyens et, par ce biais, la possibilité d’expression de leurs préférences.

     e.  Création d’instruments spécifiques visant à faciliter la préparation des projets de PPP

Les exemples occidentaux montrent que divers instruments peuvent faciliter les projets de PPP. Il s’agit en particulier:

–   des instruments d’évaluation financière des PPP. Ces instruments, tel que le Public Sector Comparator (PSC) au Royaume-Uni, le Publiek Private Comparator (PPC) aux Pays-Bas ou les analyses coût-bénéfice en France et en Allemagne permettent de déterminer si une solution sous forme de partenariat public-privé présente des avantages financiers par rapport à des solutions conventionnelles;

–   de la création d’un bureau d’information et de coordination sur les PPP. Cela rend possible la comparaison avec des projets de PPP déjà réalisés ainsi que l’élaboration de recommandations et de directives concrètes pour la réussite des PPP.

3.  Mise en œuvre efficace des projets de PPP

a.       Structuration attentive du contrat de PPP

Les contrats de PPP doivent en particulier définir les caractéristiques du projet, les responsabilités respectives et le règlement des conflits d’intérêts potentiels. La possibilité d’un comportement opportuniste de la part des partenaires privés devrait être anticipée et contrecarrée par des dispositions spécifiques du contrat. Cela peut notamment être réglé par des clauses contraignant le partenaire privé à déposer par avance une caution ou bien par des mesures incitatives, comme, par exemple une participation aux bénéfices, convenue entre partenaires publics et privés.

Les contrats de PPP devraient concerner tous les aspects principaux du projet de PPP, y compris tout aspect environnemental, mais ils devraient aussi permettre un certain degré de flexibilité, d’innovation et de rentabilité. Les caractéristiques essentielles des prestations à fournir, et non pas tous les détails techniques, devraient être fixées contractuellement.

b.       Relations de confiance entre les partenaires

De solides relations de confiance entre les partenaires sont une condition préalable essentielle au succès des PPP. Le secteur public doit s’affirmer comme un partenaire fiable à l’égard des partenaires privés, car ces derniers encourent des risques financiers substantiels en raison de leur engagement contractuel à long terme et en fonction de dispositions particulières du contrat.

c. Gains de compétence et modernisation du secteur public dans le cadre des PPP

Il est essentiel, dans le cadre des PPP, que le secteur public acquière des compétences. Il doit apprendre comment s’affirmer par une conduite adroite des négociations dans des marchés imparfaits. Il doit en particulier acquérir des compétences économiques afin de saisir quelles variables ont un rôle à jouer et de pouvoir estimer les conséquences des clauses contractuelles.

Les partenaires publics doivent pouvoir acquérir des connaissances dans la formulation, le contrôle et la mise en œuvre des contrats et reconnaître le fait que cela engendre des coûts (coûts de transaction). L’acquisition de compétences équivaut à une mutation culturelle.

Plus grande est la complémentarité entre le secteur public et le secteur privé, plus efficace sera la modernisation du secteur public.

d.       Exercice efficace de la fonction de pilotage par le secteur public

Les modèles de PPP doivent être conçus de telle sorte que soit préservé le pilotage fondamental de l’accomplissement des tâches, nécessité à la fois par les dispositions du droit public et par des raisons d’acceptation publique. On ne doit pas en arriver au point où l’autorité publique devient fiscalement exsangue et doit s’en remettre presque exclusivement au privé.

Le secteur public doit exercer sa fonction de pilotage des PPP afin d’affirmer le développement des infrastructures et des services publics en tant que composante de la politique nationale, régionale ou locale.

e. Utilisation des contributions financières publiques comme levier pour mobiliser des financements privés

Les projets de PPP financés exclusivement par le secteur privé sont relativement rares. La plupart requièrent une partie du financement en provenance du secteur public. La part de financement public est en général inversement proportionnelle au pouvoir d’achat des utilisateurs potentiels des infrastructures et services concernés. Cela explique pourquoi les projets de PPP dans les pays d’Europe centrale et orientale nécessitent une part relativement élevée de financement public. Le financement public dans le cadre des PPP, en particulier lorsqu’il est faible, a une fonction particulière à remplir. Il devrait être utilisé comme un levier pour la mobilisation de financements privés plus importants. Cette fonction de levier peut être exercée de plusieurs manières, notamment par le biais de l’attribution de garanties publiques aux emprunts nécessités par les investissements ou bien par la prise en charge par le secteur public du coût des études de faisabilité.