13e Conférence européenne des ministres responsables de l’aménagement du territoire (CEMAT) (Ljubljana, Slovénie, 16-17 septembre 2003) sur la mise en oeuvre des stratégies et perspectives pour le développement territorial durable du continent européen

 

Déclaration de Ljubljana sur la dimension territoriale du développement durable

adoptée par les ministres responsables pour l’aménagement du territoire lors de la 13e session de la Conférence européenne des ministres responsables de l’aménagement du territoire (CEMAT), à Ljubljana, le 17 septembre 2003

Nous, ministres des Etats membres du Conseil de l’Europe participant à la 13e session de la Conférence européenne des ministres responsables de l’aménagement du territoire à Ljubljana les 16 et 17 septembre 2003, ayant examiné le document concernant les fondements de la présente Déclaration et considérant:

la vocation du Conseil de l’Europe de protéger et de promouvoir les droits de l’homme, l’Etat de droit et la démocratie pluraliste, consacrés par diverses conventions et chartes européennes,

l’engagement du Conseil de l’Europe, et notamment de la CEMAT, de poursuivre l’objectif d’un développement durable, réaffirmé dans les Principes directeurs pour le développement territorial durable du continent européen, adoptés lors de la 12e session de la CEMAT en 2000 et recommandés en 2002 aux Etats membres par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe (Rec(2002)1),

les problèmes environnementaux et autres qui persistent en ce qui concerne le développement du territoire, notamment ceux liés à la restructuration économique et sociale de l’Europe, à la suite des divisions du passé qui ont été récemment surmontées,

la situation géographique particulière de notre Europe commune, présentant un éventail de possibilités de développement susceptibles de se concrétiser par le biais de politiques adéquates mises en œuvre de manière responsable dans un cadre d’entente, de coopération et de solidarité entre les peuples et les autorités de nos Etats, de nos régions et de nos collectivités locales,

les processus d’intégration européenne en cours (adhésion de nouveaux Etats membres au Conseil de l’Europe et élargissement de l’Union européenne – le plus grand depuis sa création), qui constituent des étapes importantes vers une plus grande cohésion européenne,

notre volonté de continuer à promouvoir une approche intégrée de la cohésion territoriale au travers d’un développement régional, social et économique plus équilibré et d’une meilleure compétitivité qui respecte la diversité et la spécificité de l’Europe,

notre volonté de faire en sorte que l’Europe contribue également au développement durable des pays voisins de l’Est et du Sud et des autres pays du monde,

le rôle joué par les pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe dans la mise en œuvre des principes de durabilité,

adoptons la présente déclaration:

1. Le concept de développement durable s’est peu à peu imposé au cours des années 1990 et au début du XXIe siècle, notamment depuis le Sommet de la Terre de Rio en 1992. Il a été réaffirmé par le Sommet mondial de Johannesburg en tant que modèle de développement incontournable et élément central du programme d’action international. Mais les divergences qui subsistent quant à l’interprétation du développement durable et aux stratégies à adopter pour atteindre ce but reflètent la diversité des aspirations et des perceptions.

2. Le développement durable n’est pas simplement une question liée à l’environnement. On s’accorde à reconnaître que le développement durable comprend trois volets: économique, environnemental et social. Le premier volet porte sur la croissance et le développement économique, le deuxième sur l’intégrité des écosystèmes et l’attention portée à la capacité de charge et à la biodiversité tandis que le troisième englobe des valeurs comme l’équité, l’autonomisation, l’accessibilité et la participation. Les Principes directeurs pour le développement territorial durable du continent européen ont ajouté une quatrième dimension à ces trois éléments: celle de la durabilité culturelle.

3. Le territoire est un système complexe, comprenant non seulement des espaces urbanisés, ruraux et autres, comme des terrains industriels, mais aussi la nature dans son ensemble et l’environnement dans lequel vivent les êtres humains. C’est le support et le cadre indispensable de l’établissement et de l’activité de l’homme et par conséquent la base du développement durable.

4. Les politiques de développement incohérentes entraînent des risques, une spéculation foncière effrénée et un développement non durable. Elles mettent en péril l’homme et son environnement comme cela s’est vérifié à plusieurs reprises lors des catastrophes qui ont frappé l’Europe ces dernières années en faisant des victimes et des dégâts, qu’il s’agisse de tremblements de terre, d’éruptions volcaniques, de sécheresses ou d’inondations, de grands incendies ou de marées noires. Le développement durable du territoire prévient ou réduit considérablement ces risques.

5. De nombreux défis conditionnent notre avenir européen commun à long terme. Ces défis sont notamment liés aux points suivants:

les disparités en matière de développement économique et social entre l’Europe et certains de ses voisins, entre régions européennes, coïncidant parfois avec les frontières administratives, et au sein des régions, accentuant le risque de développement à plusieurs vitesses;

l’aggravation des inégalités sociales, l’ampleur de la pauvreté et l’inégalité d’accès aux biens et services essentiels, engendrant des phénomènes de marginalisation et d’exclusion;

la détérioration de l’environnement, la dégradation des zones de peuplement et la défaillance des infrastructures et des services matériels et sociaux dans de nombreuses régions d’Europe en raison de crises économiques ou de guerres, provoquant par exemple des migrations indésirables, notamment des déplacements de réfugiés;

l’intensification des flux de transport, l’engorgement du trafic routier et la détérioration de l’environnement qu’il entraîne;

la multiplication des catastrophes naturelles ou causées par l’homme, qui sont en partie dues au changement climatique et qui mettent en péril la vie humaine et provoquent de graves dégâts;

la perte de dynamisme et la diminution de la qualité de la vie dans de nombreuses zones rurales, à travers le dépeuplement, la transformation et la disparition de paysages et de modes de vie ruraux traditionnels ainsi que de ressources naturelles et du patrimoine rural;

la nécessité de revitaliser les villes et d’endiguer l’extension urbaine ainsi que de réduire la menace qui pèse sur l’identité culturelle et les traditions collectives attachées aux modes de vie, aux types de peuplement et au patrimoine de l’Europe;

6. Pour traiter de manière appropriée les grands enjeux du développement territorial durable du continent européen, il faut améliorer les politiques pertinentes en vue de:

réduire les disparités, notamment par le biais d’une répartition territoriale des activités, des infrastructures et des services mieux équilibrée et plus efficace, afin d’améliorer leur accessibilité;

soutenir le développement polycentrique équilibré du continent européen et la formation de régions urbaines fonctionnelles, y compris de réseaux de petites villes, de villes moyennes et de localités rurales;

prévoir des mesures destinées à redynamiser les localités en déclin et à reconvertir les anciens terrains industriels afin de limiter la consommation de terres, de réduire le dénuement social et le chômage et d’améliorer la qualité de la vie urbaine;

améliorer l’efficacité des réseaux de transport et d’énergie et réduire au minimum leurs effets négatifs, notamment en favorisant les transports en commun et les solutions multimodales de flux de marchandises;

prévenir et réduire les dégâts potentiels dus aux catastrophes naturelles, notamment en rendant moins vulnérables les modèles et les structures d’habitat;

protéger et améliorer l’environnement naturel et bâti, surtout lorsqu’il est déjà pollué, voire dégradé, ou menacé de pollution ou de dégradation;

réduire l’intensification et l’industrialisation des pratiques agricoles ainsi que la dépendance de l’agriculture vis-à-vis des intrants chimiques et, par le biais de la politique de développement territorial et de la diversification de l’activité économique qu’elle permet, créer de nouveaux débouchés commerciaux pour les populations rurales;

parvenir à un équilibre entre la préservation du patrimoine culturel existant, la recherche de nouveaux investissements et le soutien aux populations vivant et travaillant dans les zones urbaines et rurales;

accroître la participation du public à la démarche de développement du territoire ainsi qu’à la conception et à la mise en œuvre des politiques dans ce domaine.

7. En conséquence, depuis l’adoption des Principes directeurs pour le développement territorial durable du continent européen lors de sa 12e session tenue en 2000, la CEMAT contribue à améliorer la démarche du développement du territoire en approfondissant le débat scientifique et politique sur les principales questions non résolues que pose le développement équilibré et durable de l’Europe. Elle a organisé des rencontres qui ont débouché sur d’importantes conclusions et directives, a observé les politiques durables exemplaires et suivi les succès de la coopération transeuropéenne, comme l’attestent les documents de sa 13e session tenue en 2003.

8. Cependant, afin d’atteindre l’objectif de durabilité, les politiques de développement du territoire devraient s’inscrire dans une dimension transsectorielle bien plus forte. Cette approche nécessite la coopération de différents secteurs d’activité, de différents niveaux d’administration et de diverses parties prenantes. Par conséquent, elle s’avère un instrument clé de mise en œuvre des politiques, en proposant des solutions acceptables pour le plus grand nombre. Elle permet d’analyser et d’évaluer l’effet territorial de l’ensemble des politiques publiques de manière à renforcer leurs synergies et la durabilité de leurs résultats. Mais les politiques sectorielles devraient elles-mêmes intégrer pleinement la dimension de durabilité, notamment les politiques touchant les secteurs fondamentaux tels que les transports, l’énergie et l’agriculture.

9. Les effets territoriaux du développement dépassent souvent les frontières nationales, régionales, locales ou toute frontière déterminée administrativement. C’est pourquoi la coopération transeuropéenne dans le domaine de l’aménagement du territoire, associant tous les niveaux d’administration, est indispensable et devrait être largement renforcée.

10. L’élargissement de l’Union européenne est une occasion unique et en même temps une nécessité absolue pour intensifier la coopération transeuropéenne dans le domaine du développement du territoire, sous la forme d’une coopération des autorités des anciens et des nouveaux Etats membres de l’Union européenne et d’autres Etats – comme les membres du Conseil de l’Europe –, et pour instaurer une coopération dans ce domaine entre les Européens et les peuples de continents voisins. Il faut mettre en place de nouvelles initiatives et mobiliser des fonds pour renforcer cette coopération, perçue comme un investissement très rentable, non seulement pour la cohésion et le développement équilibré de l’Europe, mais aussi pour son avenir dans un contexte de mondialisation.

11. Une politique de développement du territoire efficace suppose une participation active et une adaptation tenant compte des différences régionales et des besoins locaux. Le niveau régional d’administration renforce les initiatives en faveur du développement et optimise leurs résultats par le biais de la coopération interrégionale. Dans le cadre de leur mission, les pouvoirs locaux peuvent coopérer les uns avec les autres, avec les autorités de leur propre pays et, si la loi l’autorise, avec celles d’autres Etats. En ce qui concerne les questions qui les intéressent, mais qui ne relèvent pas de leurs compétences, les pouvoirs locaux et régionaux devraient, dans la mesure du possible, être consultés ou associés à la prise de décisions.

12. Les politiques de développement du territoire et l’aménagement du territoire offrent des moyens d’action importants pour les collectivités locales et régionales. L’interaction entre les organes et les partis politiques, les organisations non gouvernementales, les associations professionnelles et autres et les particuliers en matière de prise de décisions concernant le développement du territoire est un facteur décisif de démocratie locale et régionale. Les pouvoirs locaux et régionaux sont compétents à leur échelle en matière de politiques d’aménagement et de développement du territoire; ils peuvent jouer un rôle crucial dans le cadre de la coopération transeuropéenne et faire preuve d’une très grande efficacité dans la mise en œuvre de la politique de développement du territoire aux niveaux local et régional.

Nous, ministres des Etats membres du Conseil de l’Europe, responsables de l’aménagement du territoire, considérant l’importance universelle du développement durable, mais conscients aussi des obstacles qui s’opposent à la durabilité et reconnaissant l’importance des processus d’intégration européenne en cours:

soulignons que le développement du territoire est un instrument essentiel dans la poursuite de l’objectif de développement durable;

nous engageons à créer des synergies d’activités afin de garantir le développement durable du continent européen et à rendre compte tous les trois ans au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe de la mise en œuvre des Principes directeurs pour le développement territorial durable du continent européen;

chargeons le Comité des hauts fonctionnaires de la CEMAT de définir la structure des rapports à établir et les indicateurs de suivi, et de procéder à une évaluation des progrès réalisés dans la mise en œuvre des Principes directeurs pour le développement territorial durable du continent européen;

invitons les Etats membres du Conseil de l’Europe à soutenir et renforcer le rôle de l’aménagement du territoire dans leurs politiques de développement, à promouvoir la coopération horizontale et verticale au sein des Etats et au niveau transeuropéen, et à coopérer dans le cadre de l’Observatoire en réseau de l’aménagement du territoire européen (ORATE);

appelons le Comité des Ministres, l’Assemblée parlementaire et le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe ainsi que l’Union européenne à soutenir le rôle du développement du territoire au niveau transeuropéen en tant qu’instrument efficace en faveur de la durabilité;

invitons l’Union européenne et le Conseil de l’Europe à intensifier leur coopération dans le domaine du développement du territoire et demandons à la Commission européenne de définir des instruments qui, sur la base de l’expérience des programmes INTERREG, PHARE, TACIS, CARDS et MEDA, faciliteraient la coopération entre pays européens et avec les pays voisins dans le domaine du développement territorial, afin d’éviter l’apparition de clivages imputables à un développement déséquilibré;

invitons le Comité des Ministres à prendre en considération le développement territorial durable dans le cadre du 3e Sommet du Conseil de l’Europe.